« Que dit la nuit ?
Oui, que nous dit-elle de Casablanca ? Ou,
plutôt que nous montre-t-elle ? Tournons le dos à l’océan agité
et à la grande mosquée baignant dans sa muette solitude. Regardons vers le
nord-est. Nos yeux balayent un entrelacs de petites collines hérissées de
maisons de lune. Des semis d’habitations construites à la hâte,
dans l’obscurité, avant que le jour ne se lève
et que le bidonville dont il est ici question ne
réalise que de nouveaux arrivants viennent de s’y installer. C’est
une mer difforme où tanguent des chicots en ciment, ou en boue séchée, avec des
toits de tôles ondulée sur lesquels on a posé quelques parpaings friables pour
se prémunir des caprices du vent. Sous les faisceaux ivoire, c’est un tableau
silencieux de désolation et de misère. Des fils électriques enchevêtrés,
quelques citernes en plastique aux couleurs vives et les inévitables antennes
paraboliques, liens aliénants vers un ailleurs impossible à atteindre. Regardez
bien cette misère, amusez-vous de ces poules et de ces
moutons que l’on parque comme on peut. Sentez, allez-y, forcez-vous à
le faire, humez cette puanteur venue des venelles aux lits creusés par les eaux
usées et qui ne verront jamais de goudron ou de trottoirs. Voilà, maintenant,
vous savez. Vous pouvez comprendre ou deviner. Vous ne pouvez ignorer. »
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